L’histoire de Théophile Fenal et la faïencerie de Badonviller

Théophile FENAL est né à BADONVILLER. Docteur en Droit, il sera avocat à LUNEVILLE dans un premier temps.)

Il dirigera avec son cousin la faïencerie de PEXONNE.

A 46 ans, il ne s’entend pas avec Maurice de VITRY et décide de sortir de l’indivision familiale.

En 1898, il réalise son projet : créer une nouvelle manufacture à BADONVILLER, distante de 3 kilomètres de PEXONNE. Cette réalisation provoquera dans la famille une crise profonde et prolongée.

La première faïence portera la marque TF. (Théophile FENAL)

La faïencerie de BADONVILLER est moderne. Théophile FENAL y développera une politique sociale d’avant-garde : participation aux bénéfices pour les ouvriers, création d’une Caisse de Secours Mutuel, d’une caisse de Prévoyance, etc……. Autant d’idées inédites et novatrices pour cette époque !

A BADONVILLER, le décor « peint à la main », dont le coût de production est relativement élevé, sera peu pratiqué.

L’impression par papier transfert imprimé à partir d’une plaque de cuivre sera utilisée, mais ne permet qu’une seule couleur.

Début du XXème siècle, apparait la décoration à l’aérographe (Vapo), permettant plusieurs couleurs.

Théophile FENAL meurt en 1905 et son fils Edouard lui succède.

Il apportera une recherche de la qualité. C’est l’époque des services de toilette style « Art Nouveau » et des services de table à 74 pièces décor « Champagne ».

Une quatrième cheminée s’élève dans le ciel badonvillois……

Edouard FENAL renforcera encore les avancées sociales initiées par son père.

La première guerre détruira aux trois quarts les bâtiments. La fin des hostilités voit la reconstruction et fin 1919, la production reprend.

Dès 1921, les affaires sont florissantes. On érige une cinquième cheminée. Les avancées sociales sont reprises et renforcées (les économies du personnel peuvent être placées dans l’entreprise et garanties par un intérêt à 4%, on dispense des cours de cuisine et de couture, création d’une harmonie municipale « la Céramique », etc….).

De 1925 à 1936, malgré la récession, la faïencerie travaille à plein rendement. On produit des services de toilette, des services de table, des déjeuners style Art Déco où l’on reconnait l’inspiration de l’artiste Géo CONDE)

Edouard FENAL conduisait la faïencerie de BADONVILLER dans la prospérité et il réalisera, de 1922 à 1925, une opération industrielle considérable : l’absorption des manufactures de Lunéville-Saint-Clément « KG ».

Malgré les avancées sociales en vigueur à BADONVILLER, les mouvements populaires de 1936 finirent par atteindre l’usine. Des gestes insensés furent commis : arrêt des fours, séquestration de dirigeants locaux….

Edouard FENAL vécut très mal ces évènements.

Il annoncera ses décisions : application de toutes les lois du Front Populaire, mais il retirera tous les autres avantages qui avaient été consentis jusque-là !

Le travail reprendra, mais à BADONVILLER comme ailleurs, on subira les effets de la crise : diminution du pouvoir d’achat, chômage.

La faïencerie traversera la seconde guerre mondiale. Fermée pendant un an et demi, la production reprendra avec un effectif réduit et finira par subir les exigences des allemands qui réquisitionneront les trois quarts de la production.

Après la guerre, sous l’impulsion de Gilbert FENAL, fils d’Edouard, s’ouvrira une période faste.

L’effectif de l’entreprise atteindra 1100 personnes.

Le plafond de l’activité se situe vers 1950 où le groupe FENAL produit 30% de la production nationale de faïence.

Jusqu’au début des années 1960, la faïencerie conservera son potentiel et une main d’œuvre abondante. (plus de 900 personnes)

La régression du chiffre d’affaire continuant, on s’est orienté vers la robotisation de la production. Il n’y aura pas de licenciement, mais le personnel qui quitte l’entreprise ne sera plus remplacé.

En 1958, l’installation de la machine « MILLER », venue des Etats-Unis, bouleversera l’entreprise.

Avec un personnel nombreux, on pouvait mouler 20 000 assiettes par jour. Avec cette machine, surveillée par 3 ouvriers, la production atteignait 120 000 assiettes par jour……

Le déclin s’annonce avec l’arrivée d’une vaisselle en verre trempé, résistante au lave-vaisselle.

En 1963, c’est la fin de l’autonomie financière et BADONVILLER est intégrée dans le groupe FENAL.

Malgré des efforts d’investissement en 1981, les exercices comptables sont généralement déficitaires et le « dégraissage » du personnel a continué.

En 1985, il n’y avait plus que 190 ouvriers.

En 1986, un timide répit s’amorce : on décide que les faïences de BADONVILLER seront recherchées pour la qualité de leur fini. La décoration du type transfert par silicone donne une grande finesse et la polychromie résiste à présent au lave-vaisselle. Maria CZUK s’illustrera dans les nouveaux décors et sera le dernier peintre-céramiste à BADONVILLER.

Mais ce renouveau ne durera qu’un temps et on s’est remis à une production hôtelière sans décor. Le personnel s’angoisse de voir partir des machines à émailler pour DIGOIN.

L’agonie de la manufacture se marque par un licenciement massif de personnel en 1988 et à la fin de l’année, la main-d’œuvre est réduite à 90 personnes.

La faïencerie de BADONVILLER fermera définitivement au printemps 1989.

(D’après l’excellent ouvrage rédigé par Pierre PONCET : Les Grandes Heures des Faïences de BADONVILLER paru en mars 2012) 

 


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